Les deux femmes du château

👻 Mes rencontres avec l'invisible - Les deux femmes du château
Être surpris de voir, de percevoir ou d’entendre l’invisible est chose courante. Mais ce soir-là, j’ai compris que l’invisible peut lui aussi être surpris… d’être vu, entendu, ressenti.
Nous venions tout juste d’emménager dans la dépendance du château. Ah oui, je ne vous ai pas encore dit : de mes 7 à mes 18 ans, j’ai vécu dans un château en France. Ma grand-mère l’avait acheté pour en faire un lieu de retrouvailles familiales, de fêtes et de souvenirs partagés. Mes parents y vivaient à l’année, œuvrant pour le bien-être des autres, tandis que ma mère y trouvait une paix profonde. La nature y était généreuse, et elle la cultivait avec amour — ses jardins, disait-on, avaient la rigueur et l’élégance des jardins anglais.
Cet amour de la terre et des animaux, ce respect du vivant, s’est transmis comme un héritage précieux dans notre famille.
Mais au château, les activités nocturnes et diurnes ne se limitaient pas aux vivants. Les visiteurs, parfois, repartaient avec des certitudes ébranlées. Et moi, ce qui m’a le plus marquée, c’est cette nuit-là… dans ma chambre.
Je venais de m’endormir quand un bruit étrange me réveilla : des meubles qu’on semblait déplacer d’une pièce à l’autre. Je croyais rêver. Comment pouvait-on bouger un meuble à travers un mur ? Mon lit était collé à celui-ci… c’était impossible. Et pourtant, les bruits s’intensifiaient. Des souffles d’effort, des murmures de deux femmes accompagnaient les déplacements.
Je me suis dit : Ne bouge pas. Elles ne te veulent aucun mal. Elles ne font que passer. Mais j’étais bien éveillée, intriguée, suspendue à ce moment… jusqu’à ce que tout s’arrête.
Et là, l’une des femmes murmura : « Chut… elle nous entend. »
La peur m’envahit. Je gardais les yeux fermés, figée, espérant ne pas être vue. Et pourtant, je les sentis passer à travers moi, se positionner juste derrière ma tête — dans le mur. Ce mur qu’elles traversaient comme s’il n’existait pas.
Tétanisée, je sentais leur présence penchée sur moi. Mon cœur battait à tout rompre. Puis l’une d’elles posa sa main au-dessus de mon front… et je m’endormis instantanément, apaisée.
Amusant, n’est-ce pas ? Enfin… j’en ris aujourd’hui. Mais sur le moment, j’étais en panique.
Le lendemain, j’en ai parlé à ma mère. Elle m’a crue sans hésiter : elle-même avait vu, quelques nuits plus tôt, deux femmes ricaner au-dessus de mon père endormi. Ensemble, nous avons commencé à fouiller l’histoire du lieu.
Direction la bibliothèque du château… un endroit chargé, oppressant, surtout sa pièce voisine : la salle de billard. Que l’on soit dedans ou dehors, on s’y sentait toujours observé. Jamais seul.
Je me souviens des balles que je lançais contre les murs, et de cette sensation persistante d’être suivie. Des visiteurs, eux aussi, entendaient des bruits de pas, de tissus froissés, montant un escalier… inexistant. Et puis, plus rien. Silence. Juste à l’entrée de cette pièce.
En fouillant de vieux documents, ma mère découvrit que deux femmes avaient autrefois enfermé leur frère dans la dépendance — celle où nous venions d’emménager. C’était elles. J’en suis certaine.
Je ne sais pas ce que ma mère leur a dit ou fait, mais elles ne sont jamais revenues me déranger. Pourtant, une fois la porte ouverte… celle des possibles… les passages se multiplient.
Heureusement, maman m’a vite appris à me protéger, à avoir foi en la vie. Elle me parlait de la Sainte Vierge, des signes de son enfance, des anges et des ancêtres qui veillent sur nous. Et moi, j’y croyais. Comment douter, quand tout autour de vous vibre de leur présence ?
Bien à vous, Florence